Une longue durée de vie
Il convient d’attendre un événement, une actualité pour entendre parler, dans les médias, de tel ou tel artiste. Et c’est là le rôle de ces derniers rendre compte des événements. Elle est donc passablement inquiétante l’importance que prennent ces médias dans les domaines où l’événement n’a, justement, aucune espèce d’importance. La musique fait partie de ces domaines préservés où l’on peut quitter le cirque du hic et du nunc.
Ainsi, je veux profiter de ce que ce musicien n’a pas d’actualité pour écrire quelques lignes sur lui et sa musique ; il n’existe, an effet, pas de musique plus éloignée du concept d’ événement que celle de TALK TALK.
Sous ce nom – TALK TALK – se cache un homme, tête pensante et maltre d’oeuvre Mark Hollis. Il s’entoure, pour chaque album, d’un grand nombre de musiciens. Sur Sprit Of Eden (Polydor, 1988), on en dénombre seize auxquels s’ajoute une chorale. Cependant cette prodigalité sert une musique toujours plus silencieuse. « Aujourd’hui, il ne reste qu’une seule chose importante sur mes disques, c’est le silence.
Je préfère encore entendre le silence qu’une note inutile, une note plutôt que deux. Ce qui compte c’est la façon dont elle est jouée.
La raison d’être de mes albums est la spontanéité. Voilà pourquoi il me faut des années pour les enregistrer. » *l Trois albums de TALK TALK sont sortis en treize ans, entre 1988 et aujourd’hui… Le dernier date de 1998 et s’intitule simplement Mark Hollis (EMI) Entre Spirit Cf Eden et celui-ci un splendide album a vu le jour Laughing Stock (Polydor, 1991)
Sur ce disque règne une tension que l’on rencontre les soirs d’orage. Il s’ouvre sur de longues notes tenues, brisées bientôt par des éclats de guitare sourde, par d’amples notes de basse. Puis, la caisse claire et les cymbales de la batterie, soutenues par la contrebasse, viennent occuper tout l’espace avant d’être crevées à leur tour par une guitare saturée, un orgue, un basson, la voix de Mark Mollis. Cette musique ne cesse de surprendre son auditeur.
« Nos disques ont une durée de vie très longue, ce qui est le plus beau compliment qu’on puisse leur faire. Les gens doivent y venir d’eux-mêmes, je ne veux pas les pousser. »*2
La musique de Mark Mollis ne trouvera certainement jamais se place dans le fracas de l’actualité. Mais que cela ne nous empêche pas de la découvrir. Bien au contraire.
*l Interview de Mark Holils dans les Inronkuptibies n’31, septembre, octobre 1991
*2 ldem