Parole de nature Comment je crée un jardin
Comment créer un jardin ?
Cette question qui m’a été posée, m’a permi une réflexion sur la façon dont j’interviens sur le paysage. Sur des attitudes, voir des automatismes, que j’ai acquis depuis que j’exerce ce métier d’architecte-paysagiste.
Mon travail, lorsque’il s’agit de créer un jardin pourrait se décomposer en 4 phases.
- Les premières impressions, le “cahier des charges”
- L’élaboration du projet
- La réalisation sur le terrain
- L’entretien du jardin
Les premières impressions
Dans la première phase, il est important de situer le contexte, l’environnement culturel dans lequel se situe le client, ses attentes, son budget, et voir si l’on se comprend bien. Dans le jardin, il faut pouvoir établir un “cahier des charges” en tenant compte de tous les éléments qui nous sont fournis ou qu’il nous faut cerner. Il faut bien observer l’environnement physique du jardin, maison, vues, vis a vis, arbres, et tout éléments remarquables.
La deuxième phase est conceptuelle, il faut donner un caractère au jardin.
Dégager des grandes lignes aller du général au particulier (alors que le client s’attarde souvent sur des points de détails).
Il faut voir en volume, chercher à utiliser l’existant. Ne pas se restreindre envisager toutes les options. La réflexion “je n’y avais pas pensé” formulé par le client vient souvent du fait que lorsque l’on vit dans un lieu, on vit avec des choses que l’on ne remet pas spontanément en cause. Je me fais souvent cet exercice; “Cet arbre, ce massif, ce talus, l’aurais-je mis s’il n’y était pas ?”.
Chaque chose doit pouvoir se justifier par rapport à une autre. Le jardin doit pouvoir se lire, une chose en appeler une autre. Je n’aime pas la gratuité. La nature opère avec fantaisie. Notre rôle à nous est de l’organiser. Travaillant sur des espaces principalement urbains où la surface des terrains est comptée, je cherche à optimiser le lieu:- le rendre plus grand qu’il ne paraît. Pour cela il existe quelques astuces empruntées au théâtre, ou au jardin classique “à la française”.
- Chercher un grand axe.
- Faire des effets “de rideaux” de part et d’autre de l’axe principal, en réduisant les masses au fur et à mesure que l’on s’éloigne.
- Remonter le terrain lorsque l’on s’éloigne et de manière générale créer des talus lorsque l’on plante. Cette optimisation du lieu me conduit à tout exploiter:
- S’il y des arbres, et des enfants, j’utilise les troncs et les branches comme support pour des jeux. J’adapte alors les jeux en fonction de la position des arbres ou de leur architecture. J’installe ensuite cordes, tyroliennes, balançoires, ponts suspendus … Les enfants peuvent jouer à un niveau supérieur, ils adorent être perchés, et cela fait gagner de la place. De plus si je dois réaliser des structures, j’utilise de préférence des branches de châtaignier tordues ou fourchues, ainsi, tout disparaît dans les arbres.
- Une cabane est perchée, dessous on rangera le bois.
- Une pile de bois sert à mieux se protéger d’un voisin gênant…
La 3éme phase est la réalisation.
Au cours de la réalisation du jardin je ne prends pratiquement plus le plan que j’ai dessiné. Confronté à la réalité du terrain il doit toujours pouvoir se modifier. Les idées elles mêmes évoluent lors de l’élaboration du jardin.
L’attention devra surtout porter sur la structure, les modelés, les masses végétales, la disposition des masssifs, les proportions des terrasses, leur formes, les allées, la maçonnerie… soit tout ce qui ne bougera plus.
Les végétaux pour beaucoup d’entre eux sont interchangeables, de plus ils sont très mobiles les premières années. Je pense qu’ils ne constituent pas une réelle difficulté contrairement à ce que l’on croit. Mais attention: Ce sont eux que l’on regardera et on oubliera l’écrin.
Bien entendu cette phase fait appel à de la main-d’oeuvre et des machines. Des corps de métiers assez variés peuvent être sollicités. Treillageurs, menuisiers, terrassiers, étanchéistes, maçons, plombiers pour l’arrosage automatique, électriciens, élagueurs…
Avec les habitués du bâtiment, architectes, ou maçons, on a parfois du mal à se faire comprendre. Notre mur à nous est beau lorsqu’il n’est pas droit, lorsqu’une pierre dépasse ou parfois même lorsqu’il semble s’effondrer. Un enduit n’a pas forcement vocation de boucher tous les trous. C’est dans les trous des murs que poussent les valérianes, mousses, fougères…
Un ravalement peut être une catastrophe. A la place d’un mur qui disparaît dans le décor on se retrouve avec un énorme pavé blanc dont le maître d’oeuvre est très fier.
De manière générale il est indispensable d’être très présent. Il faut être soi-même un bon bricoleur afin de pouvoir réaliser un certain nombre de choses simples sans avoir à faire déplacer quelqu’un. Je réalise beaucoup de choses avec mon apprenti, et une plante, un pot ça bouge… un peu plus à droite, un peu plus à gauche, non ça ne va pas… on se trouve parfois dans la situation de celui qui a un tableau à accrocher au mur.
L’entretien du jardin
Cette phase comprend bien évidement le travail de jardinage proprement dit, nécessaire à la bonne tenue du jardin. Cependant une grande liberté d’intervention doit toujours rester possible. Obéissant à des modes ou à son humeur un jardin peut toujours s’enrichir, changer ses couleurs ou se transformer…
Le jardin obéit aux mêmes régles conceptuelles que toute autres créations. Agir sur un jardin reste un exercice sensible ou l’intuition joue son rôle.
Mais l’oeuvre que nous devons réaliser doit tenir compte d’un espace pris avec ses 3 dimensions. Elle subira d’autre part les mutations permanentes que nous impose la nature, et ne sera jamais achevée. Le jardin change au fil des saisons, il nous renvoie à nous-même, il peut exprimer tous les sentiments qu’exprime la nature. C’est l’oeuvre dans laquelle chacun se retrouve.
Alors; rapprochez-vous de la nature, et créez votre jardin !
Guillaume Robert
né en 1959
Architecte-Paysagiste
exerçant à La Celle Saint Cloud(78)